Haïti, l’enfer c’est nous – AZ-INFOS

Nous vivons une réalité sans précédent dans notre histoire de peuple. Nous passons de l’héroïque à la risée du monde entier. Sans projet d’avenir, nous nous accrochons à un passé qui a connu son apothéose sous le joug de l’esclave le plus acerbe. S’il n’a pas l’ombre d’un doute que cette terre était un coin paradisiaque, à l’heure où nous parlons, elle est devenue un véritable enfer. Ceci est corollaire de l’absence de sentiment
d’appartenance au pays, du rapport complice de l’État avec les bandits et de la corruption.

En quête d’un sentiment d’appartenance

Nous aurions pu débuter la partie avec cette question : Y a-t-il encore des citoyens haïtiens ? Ce serait trop de dire certainement. Car, il existe forcément un faible reste, prêts à se donner en holocauste pour ce pays. Mais le constat saute aux yeux qu’il y a une insouciance que ce soit du côté des dirigeants et des dirigés sur la question d’Haïti. Ils ne se voient pas comme héritiers d’une terre arrachée entre les mains des colons. Une terre pour laquelle du sang a été versé et la peau transpercée avec la pointe des baïonnettes.

Or, le sentiment d’appartenance forge l’identité du citoyen. Il le pousse à donner le meilleur de lui-même, à s’investir dans le développement de sa communauté et à être un éco-citoyen, celui ou celle qui protège son environnement. Le sentiment d’appartenance créé l’envie de faire et de se sentir fier.

Pourtant quand il n’est pas, nous n’avons aucune poussée à lutter, à créer quelque chose de grand, à nous inspirer des exploits des aïeux et à laisser un butin à la postérité. Quand il n’est pas tout est dépeuplé et le flux migratoire est activé. C’est exactement ce qui qui nous arrive. Nous sommes frappés par une fuite à outrance vers d’autres pays de la Caraïbe, de l’Amérique et du reste du monde. Par cette fuite, le pays perd ses ressources les plus importantes. Son capital humain et économique. Peut-on construire un pays dans l’assistanat ou avec d’autres que ses citoyens ?

Certains diraient que la question ne se pose même pas. Qui devrait-on acculer?Les gens qui cherchent à survivre à l’aide d’un mieux-être ou l’État à qui la constitution a imputé la responsabilité de créer une communauté du vivre en commun, de bien-être collectif et d’épanouissement ?

La notion de survie est intimement liée à l’être humain. Elle permet dès l’abord de questionner sa réalité et celle du milieu afin de voir s’il y a une possibilité d’arriver à la réalisation de soi. Cela renvoie à une composante de la culture connue sous le nom de techno-économique. Elle implique l’utilisation des moyens et outils divers pouvant exploiter économiquement l’espace social.

Selon le courant philosophique eudémonisme, le bonheur est ce à quoi tout le monde aspire. L’espèce humaine est dans une quête perpétuelle du bonheur. C’est la finalité de la vie. Le but de toute action humaine. Après tout, à quoi ça sert de vivre sans être heureux ? Et lorsque c’est difficile dans un milieu donné, il paraît compréhensible d’aller voir ailleurs. C’est le cas de nos concitoyens.

En Haïti, rêver même à court terme se révèle compliqué. Une république incapable de donner le stricte minimum à son peuple. Dans un pareil contexte, le sauvetage personnel devient la norme.

Si c’est vrai que la situation socioéconomique ne laisse augurer de bonnes choses, on peut aussi être d’accord que certains pays ont connu des misères. Qu’ils ont été touchés par le marasme économique, l’instabilité politique, l’insécurité, la guerre, voire le génocide, et qu’à la fin, ont su redresser la pente.

Pour ce faire, il y a eu la volonté de tout un peuple. Des dirigeants et des dirigés. Des citoyens aptes à salir les mains pour embellir leur pays. Des citoyens inspirés par la grandeur et le sentiment d’héroïsme.

Pour empêcher que les mêmes fantômes nous rattrapent à chaque fois, nous devrions nous considérer comme des agents de développement. Se mettre disponible pour l’élévation de sa communauté ou son pays est une condition inhérente à chaque citoyen. C’est aux haïtiens uniquement, toute catégorie sociale confondue, de rehausser le pays.

L’État et les gangs : Une symbiose qui tue

L’État est l’institution suprême de la cité. Il est majoritairement formé et légitimé par la population en vue d’assurer la bonne marche de la collectivité. Il a pour devoir de protéger le capital social, humain, économique et culturel. C’est aussi son rôle de garantir le bien-être de ses filles et ses fils. Or chez nous, le nôtre est un loup pour la population. Il est clanique, jouisseur et criminel.

D’ailleurs, sa cohabitation avec les gangs est une preuve indubitable. Dans certains rapports du réseau national de la défense des droits humains (RNDDH) sur les massacres orchestrés par des groupes armés, le nom des politiciens y figurent en grande manchette. On entend souvent des bandits témoignent avoir travaillé pour des parlementaires, des ministres et des présidents. Une grave inconvenance.

La relation harmonieuse entre ces deux-là s’inscrit dans une double logique : La première est pour le maintien du pouvoir. Pour arriver à le conserver, ils alimentent des jeunes en armes et en munitions afin de créer un climat de terreur, faire pression sur la population pour qu’elle n’investisse pas les rues, détruire des centres de vote auxquels ils sont minoritaires et remplir les urnes en leur faveur. La deuxième est pour accéder au pouvoir. Les opposants procèdent de la même manière par « La dialectique des armes ». Alors qu’il devait-être travailleur, protecteur et pourvoyeur.

L’État est aussi bandit que les bandits jouant le rôle de l’État dans des quartiers. Ces derniers sont devenus des bras importants pour certains hommes politiques. Surtout pour ceux qui sont impopulaires. Aujourd’hui c’est l’exception qui confirme la règle. Ils sont de bons copains. Ils échangent mutuellement de services .Il n’y a pas vraiment de différence sinon l’un agit illégalement sur la couverture légale et l’autre agit en revendiquant son illégalité n’empêche qu’il soit traité comme s’il ne l’était pas.

À titre d’exemple, l’ancien directeur général du ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales, Fednel Monchéry, a été arrêté pour avoir eu en sa possession des plaques d’immatriculation. Son nom est aussi inséré dans le rapport des organismes des droits humains comme l’un des auteurs du massacre qui a eu lieu à la Saline en 2018. Connu sous le sobriquet Tèt kale, Romélien Saint Jean était allié du pouvoir Phtk. D’ailleurs, c’est l’équipe au pouvoir à l’époque qui s’est arrangée pour qu’il recouve sa liberté, selon Pierre Espérance du RNDDH.

Entre autres, il y a l’implication présumée de Gracia Delva dans des kidnappings au côté du puissant chef de gang, Anel JOSEPH alors qu’il était Sénateur de la république.

Modèle d’une corruption sans précédent

La corruption fait partie intégrante du pays. Depuis la naissance de la jeune république, c’était déjà le défi au niveau interne. Bien qu’il eût eu Jean -Jacques Dessalines qui se tenait à l’encontre de cette pratique, elle a fini par se tailler une place. Les parlementaires corrompent le président, qui à son tour corrompt la justice. Le secteur privé des affaires corrompt les directeurs généraux ainsi de suite. Un véritable labyrinthe. Chacun assure sa part.

Dans tous les secteurs, la corruption assied sa suprématie. Selon le classement de Transparency international publié en janvier 2022, Haïti arrive en tête parmi les pays les plus corrompus de la Caraïbe.
La commission d’éthique et d’anti-corruption du Sénat de la république, dans un rapport avait indexé les proches du pouvoir sur la mauvaise gestion du fonds pétrocaribé.

En 2015, Noni Mathieu, présidente de la Cour de cassation a été impliquée dans un scandale de détournements de fonds de 37 millions de gourdes. Jovenel Moïse, l’ancien Président de la république a été inculpé pour usage de faux et blanchiment des avoirs. L’ancien commissaire du gouvernement, Rockfeller Vincent a été au cœur d’un éclaboussant scandale qui l’a accusé d’avoir libéré des criminels à qui on reprochait de faits de vols, d’enlèvements et d’assassinat d’après le RNDDH. Dans un article paru le 10 décembre 202, le RNDDH a déclaré que les institutions chargées de combattre la corruption sont sous la mainmise de leurs autorités de tutelle. Selon cet organisme, le juge instructeur Gary Orélien aurait réclamé des pots-de-vin dans le dossier de l’assainat de Jovenel Moïse.

La corruption gangrène nos institutions. Les dirigeants sont devenus cyniques, sans vergogne et crapuleux. Ils font preuve d’aucune décence. On dirait qu’être politiciens haïtiens c’est s’adonner aux opérations frauduleuses et criminelles. N’en déplaise à celles et ceux qui se sont comportés comme des prestataires de services.

Nous sommes arrivés au stade de l’autodestruction. Nous faisons tout pour rendre inertes nos institutions. Pourtant , aucun pays ne peut s’attendre au développement si ces dernières sont bancales. Si les autorités ne font rien pour les rendre fortes.

Haïti, une terre ornée de pierres précieuses pourtant la mendicité devient la principale activité de ses enfants. Une terre dont les rivières, les bassins, les côtes et les grottes en font un joyau mais les politiques en font une décharge. Une terre qui insuffle vie au regard de son passé, mais son présent meurt et sa future effacée.

Haïti,une terre à renaître.Si elle ne peut redevenir un paradis, au moins elle sera vivable.

𝐽𝑒𝑎𝑛 𝐴𝑚𝑜𝑟𝑠𝑒 𝐽𝑜𝑠𝑒𝑝𝒉

3 Commentaires

  • Je me sens content de savoir que des écris coordonnés comme ce texte existe encore à l’heure actuelle, bravo 👏🏽 Jean Amorse Joseph dit Aristos. Je suis comblé par ton talent, merci frère.

  • Tonki Rov François

    Cher frère tu a su peindre la réalité de notre cher pays qui traverse des crises socio-politiques depuis la mort de l’empereur Jean Jacques Dessalines. C’est un travail hors pair , Haïti a la chance d’avoir un fils comme toi freo. Mais j’ai beaucoup de doutes concernant les rapports de certains organismes de droits humains accusés eux aussi dans des actes de corruption.

  • Tonki Rov François

    Cher frère tu a su peindre la réalité de notre cher pays qui traverse des crises socio-politiques depuis la mort de l’empereur Jean Jacques Dessalines. C’est un travail hors pair , Haïti a la chance d’avoir un fils comme toi freo. Mais j’ai beaucoup de doutes concernant les rapports de certains organismes de droits humains accusés eux aussi dans des actes de corruption.

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